Dans le milieu du SEO, on distingue traditionnellement deux profils de référenceurs. Les technocrates d’un côté et les créatifs de l’autre. Les premiers misent tout sur les leviers techniques du référencement. Ensuite, les seconds préfèrent focaliser leur attention sur la qualité de l’expérience proposée aux utilisateurs à tous les niveaux (navigation, rapidité, contenus).
Mais cette opposition ancestrale est désormais remise en cause par l’arrivée d’un nouveau venu sur la scène SEO : le machine learning. Une technologie déjà bien active – notamment par le biais du RankBrain de Google – qui contraint les référenceurs à adapter leurs méthodes. Concrètement, à quels changements le SEO doit-il se préparer à l’aune du machine learning ?
C’est quoi le machine learning ?
Un brin de définition pour commencer. Le machine learning, ou « apprentissage automatique » en français, est un sous-domaine de l’intelligence artificielle exploré depuis les années 80. Il est suivi de près par le deep learning, ou « apprentissage profond ».
Ce sous-domaine spécifique s’intéresse aux capacités d’apprentissage des systèmes. Dans cette approche, les ordinateurs ne se contentent plus d’exécuter des ordres (traduits en algorithmes). Ils « s’instruisent » à partir des données fournies par les humains de façon à pouvoir apporter des réponses qui n’ont pas été programmées en amont.
La principale différence avec l’intelligence artificielle réside ainsi dans l’aspect opérationnel de l’apprentissage automatique. Il s’agit d’obtenir des réponses concrètes en réduisant le plus possible la marge d’erreur. À la base de cet apprentissage, il y a certes toujours des algorithmes – il faut bien programmer le système – mais les machines sont « éduquées » via les données injectées. Soit, de la même façon qu’un cerveau humain est instruit par les informations qu’on lui transmet.
Le but ? Permettre aux systèmes de répondre aux besoins réels des utilisateurs. Une application concrète quotidienne ? Les recommandations faites par les marketplaces et les services de streaming (« Si vous avez aimé ceci, vous aimerez cela ») basées sur votre historique de navigation et vos actions précédemment réalisées. Voilà ce que permet de faire le machine learning.
Mais ses domaines d’application ne s’arrêtent pas au e-commerce :
- email (filtrage anti-spams) ;
- logistique (optimisation des stocks) ;
- marketing (segmentation et ciblage) ;
- ressources humaines (identification des meilleurs candidats pour un poste donné) ;
- médecine (aide au diagnostic) ;
- et d’autres domaines encore.
Quel lien entre machine learning et référencement naturel ?
Ce lien, ce sont les moteurs de recherche, qui utilisent le machine learning à des fins de pertinence. Le premier d’entre eux, Google, est à la pointe de l’intelligence artificielle dans ce domaine. En effet, en 2015, la firme de Mountain View a lancé RankBrain, un algorithme d’IA permettant de mieux comprendre les requêtes formulées par les internautes et de les traiter avec plus d’efficacité.
Concrètement, RankBrain automatise une partie du code algorithmique utilisé pour trier et classer les résultats, code auparavant entièrement écrit à la main par les ingénieurs. Ainsi, cela lui permet d’identifier les pages susceptibles de répondre à la demande des internautes, avec une précision supérieure de 10 % à celle des humains.
À la base, RankBrain est chargé de s’occuper des 15 % de requêtes inédites tapées sur le moteur. Mais l’algorithme monte rapidement en grade. De ce fait, un an après son lancement, Google annonce que RankBrain intervient dans la plupart des requêtes et qu’il est devenu le troisième facteur de classement des pages. Cela, en raison de ses performances en matière de compréhension des requêtes et d’analyse des interactions. Celles-ci traduisant le niveau de satisfaction des utilisateurs.
Pour bien saisir le changement induit par le machine learning, il faut distinguer l’avant et l’après RankBrain. Avant, Google tâchait de faire correspondre les termes de la requête avec les mots-clés inclus dans une page. Si vous tapiez « ville lumière », Google analysait les mots un par un, sans chercher à donner du sens à leur utilisation conjointe. Il regardait quelles pages proposaient les mots « ville » et « lumière » dans le même contenu. RankBrain, lui, s’attache à comprendre ce que vous voulez dire.
L’algorithme « se souvient » que des utilisateurs ont effectué la même recherche et qu’ils ont cliqué sur les résultats qui correspondent à Paris. Donc Google affiche désormais des résultats en lien avec la capitale française. Ainsi, il a appris du comportement des utilisateurs. Si vous cliquez sur le lien organique Wikipédia pour Paris, le moteur de recherche sera conforté dans l’idée que c’est la bonne réponse. Ce qui augmentera donc son taux de pertinence la prochaine fois que quelqu’un tapera ces mots-clés.
On peut en tirer un enseignement majeur. Le machine learning change la donne en matière de classement sur Google. Ce qui signifie que, forcément, il doit y avoir un impact sur le référencement naturel et ses leviers. Mais quel impact, précisément ?
Comment le machine learning impacte le SEO ?
Le machine learning est la clé d’un changement profond dans la manière de concevoir le classement des pages dans les résultats des moteurs de recherche. Alors que ce classement était autrefois basé essentiellement sur des critères techniques, il s’appuie désormais sur l’utilisateur en tant que tel. En d’autres termes, la satisfaction de l’internaute est devenue le tout premier critère de positionnement des pages, et ce, grâce à la puissance des algorithmes de machine learning comme RankBrain.
Le résultat, c’est le développement des featured snippets, à l’image de la fameuse « Position Zéro » sur Google. Une réponse « premium » mise en avant par le moteur de recherche, apportant une réponse concrète à la requête formulée par l’internaute. Cette position est d’ailleurs privilégiée dans les réponses données par les assistants vocaux. Pour l’atteindre, il ne suffit plus de jouer avec les leviers habituels du SEO (mots-clés, sitemap, fichier robots.txt, etc.), mais bien de faire exactement ce que le machine learning veut que l’on fasse, soit :
- comprendre l’intention de l’utilisateur ;
- saisir précisément sa demande ;
- y répondre avec un maximum de pertinence.
Pour les spécialistes du référencement naturel, l’impact du machine learning se fait à quatre niveaux.
1. Les contenus deviennent les moteurs de l’optimisation SEO
Si les leviers techniques perdent de l’importance, c’est pour mieux mettre en avant les contenus proposés aux internautes. Ces contenus sont la véritable valeur ajoutée d’un site web, quel que soit le domaine d’activité. Ainsi, ils doivent être :
- Qualitatifs et pertinents. C’est-à-dire originaux, uniques et capables de répondre aux besoins exprimés par les utilisateurs.
- Basés sur les demandes et les intentions des internautes. Et pas seulement sur les mots-clés. Le vieux principe « une page = un mot-clé » n’a plus de sens. Le contenu proposé doit être pertinent au-delà du seul mot-clé tapé par l’utilisateur et ne pas répondre exclusivement à la problématique la plus évidente. Un internaute qui écrit « téléphone portable » ne souhaite pas obtenir des informations sur le fonctionnement de cet appareil, mais plutôt se faire une idée des modèles disponibles. Comprendre cette intention est désormais indispensable dans le cadre d’une stratégie de référencement naturel.
Le machine learning pousse ainsi à aller de plus en plus vers un SEO sans technique, bâti à partir des contenus et de la notoriété du site.
2. Il n’est plus nécessaire de travailler tous les mots-clés d’une même famille
C’est aussi la fin du travail systématique sur toute une famille de mots-clés. Grâce à RankBrain, Google comprend que deux mots-clés légèrement différents correspondent à une seule et même requête, ce qui rend caduc le travail sur la totalité des occurrences et des synonymes. En effet, peu importe que vous tapiez « meilleures chaussures de running » ou « meilleures chaussures pour courir », Google fournira approximativement les mêmes résultats.
En ce sens, il vaut mieux travailler la sémantique et le champ lexical à l’intérieur du contenu, de façon à ce que ce dernier soit plus riche et plus complet (voir aussi plus long). Ainsi, le SEO se met au service de l’utilisateur plutôt que de chercher à séduire les robots crawlers avec des astuces surannées.
3. L’expérience utilisateur intègre pleinement les leviers du référencement naturel
L’évolution du SEO pousse les référenceurs à proposer une meilleure expérience utilisateur. À tel point qu’une nouvelle approche s’est forgée à partir de ces deux notions. Le SXO pour Search eXperience Optimization – voir notre article dédié.
L’amélioration de la qualité technique d’un site (rapidité d’affichage des pages, navigation adaptée à tous les types de supports, élimination des publicités intrusives qui peuvent remettre en cause la qualité de l’expérience, sécurisation des échanges via le passage au HTTPS…) va de pair avec la mise en avant de contenus personnalisés. Adaptés non seulement aux attentes des internautes, mais aussi à leur position dans le parcours client et dans le tunnel de conversion.
4. Une stratégie SEO réussie passe par le déploiement d’une stratégie globale
Le machine learning suppose de repenser en profondeur le référencement naturel. Trop souvent considéré comme une accumulation de leviers techniques sans âme. Or une stratégie SEO est comme une maison. L’aspect purement technique de la construction (les fondations, la structure, les matériaux) est contrebalancé par la dimension humaine (les finitions, la décoration, les personnes qui viennent y habiter).
Ces leviers sont donc indispensables. Mais ils doivent s’inscrire dans une approche plus globale qui intègre tous les paramètres :
- contenus ;
- traitement des mots-clés ;
- expérience utilisateur ;
- adaptation aux supports mobiles ;
- etc.
D’ailleurs, il est probable que ces leviers techniques soient automatisés à leur tour. Demain, la Google Search Console pourra sans doute garantir la conformité SEO d’un site web, voire en corriger les erreurs. Il se passera pour le SEO ce qu’il se passe déjà pour nombre d’autres domaines. Les référenceurs seront déchargés des tâches récurrentes, moins intéressantes, et pourront se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée que la machine, aussi intelligente soit-elle, ne peut pas prendre en charge. Certains outils le permettent déjà, par exemple pour optimiser les contenus avec des techniques de Natural Language Processing.
En conclusion : quand la technique et le créatif SEO se mêlent
Suite au développement du machine learning, la distinction traditionnelle entre SEO technique et SEO créatif n’a plus lieu d’être. Les deux approches se fondent l’une dans l’autre pour former une entité unique : un SEO au service de l’utilisateur, avec la technique comme base et la qualité comme promesse.
Finalement, si révolution il y a, c’est moins dans la technologie elle-même (l’aptitude des systèmes à apprendre à partir de gros volumes de données) que dans la façon dont cette technologie s’est intégrée aux processus de référencement naturel : avec la force de l’évidence.
Les internautes ne songeraient jamais à remettre en cause RankBrain, simplement parce qu’ils ignorent son existence pour la plupart. Tout ce qu’ils voient, c’est que les réponses apportées à leurs requêtes sont de plus en plus pertinentes. Et peu leur importe quel travail SEO est effectué en coulisses !
Visuel d’entête : © mohamed hassan – Licence CC0 Domaine public